Quatre ans, c’est l’âge où l’on apprend à faire du vélo sans roulettes. C’est aussi celui où, dans beaucoup de foyers, la question du lit parental continue de diviser, d’intriguer, parfois d’inquiéter. Sur les bancs des experts, aucun verdict définitif : les lignes bougent, les cultures s’entrechoquent, et les parents se retrouvent, souvent seuls, à naviguer entre conseils contradictoires et réalités de leurs nuits.
Cododo à 4 ans : une pratique répandue mais souvent questionnée
Le fait de partager son lit avec un enfant de quatre ans n’a rien d’exceptionnel, même si le sujet reste délicat dans nos sociétés occidentales. Dans certains pays, c’est un geste banal qui ne suscite pas le moindre débat. En France, une étude de l’Ined révèle qu’environ un parent sur cinq pratique encore le co-sleeping à l’âge préscolaire, souvent parce que l’enfant peine à s’endormir seul ou éprouve des peurs nocturnes.
Mais les normes varient énormément : là où le cododo s’impose comme une évidence en Asie ou en Amérique latine, il reste teinté de réserve en Europe. Les motivations des familles sont multiples : besoin de sécurité, héritages culturels, ou tout simplement recherche d’un peu de répit après des nuits hachées. Certains y trouvent une solution temporaire, d’autres s’interrogent sur les conséquences à long terme, notamment en ce qui concerne l’autonomie de l’enfant.
Dans les sociétés indiennes ou japonaises, la proximité nocturne fait partie du tissu social : le sommeil partagé renforce la cohésion familiale. À l’opposé, beaucoup de pays européens valorisent l’indépendance dès le plus jeune âge, ce qui alimente les tensions autour du cododo. En France, le phénomène reste souvent caché, alors qu’il est pleinement assumé ailleurs. Pourtant, chaque famille avance ses propres raisons, oscillant entre traditions, adaptation et compromis face aux réalités du quotidien.
Quels effets sur la santé et le développement de l’enfant ?
À quatre ans, la question du sommeil partagé prend une tournure différente de celle des premiers mois. Le risque de mort inattendue du nourrisson n’existe plus, mais d’autres enjeux prennent le relais. Un enfant habitué à dormir dans le lit parental peut avoir du mal à apprivoiser sa propre chambre, surtout lors de changements importants ou de séparations.
Les spécialistes s’accordent sur un point : dormir avec son enfant ne provoque pas systématiquement des troubles du sommeil sur le plan physique. Mais le volet psychologique demande une certaine vigilance. Un cododo prolongé peut renforcer une dépendance affective, qui se manifeste parfois par une difficulté à se séparer des parents, que ce soit à l’école ou dans d’autres contextes. L’intimité du couple se retrouve, elle aussi, questionnée : le lit conjugal, partagé avec l’enfant, perd sa fonction d’espace réservé aux adultes.
Voici quelques points à retenir pour mieux comprendre les effets possibles du cododo à cet âge :
- Entre trois et six ans, la période du complexe d’Œdipe requiert une attention particulière : il ne s’agit ni d’exclure systématiquement l’enfant du lit parental, ni d’installer une cohabitation qui s’éternise sans réflexion.
- Le sommeil de l’enfant peut devenir plus fragile, surtout si l’un des parents souffre lui-même de troubles nocturnes.
- La transition vers l’autonomie se fait souvent par étapes : matelas à côté du lit parental, puis passage progressif à la chambre de l’enfant, pour éviter une rupture trop brutale.
Le développement ne se joue pas uniquement la nuit. L’endormissement autonome soutient la confiance en soi et la capacité à affronter l’absence. Chaque famille devra trouver son propre rythme, loin des règles toutes faites.
Ce que disent les experts : entre bienfaits, limites et précautions
Les spécialistes du sommeil de l’enfant sont unanimes : dormir avec son enfant de quatre ans n’a rien à voir avec le partage du lit d’un bébé. Pour le pédopsychiatre Stéphane Clerget, cette pratique peut s’avérer utile lors de périodes transitoires, quand l’enfant traverse une phase d’anxiété ou que la famille vit un changement marquant. Mais si le cododo devient une habitude durable, la dépendance affective risque de s’installer et de freiner l’autonomie du sommeil.
Le psychologue Jean-Luc Aubert apporte une nuance : chaque famille vit une expérience différente. Certains enfants anxieux trouvent un apaisement grâce à la présence parentale, tandis que d’autres, à force de dormir avec leurs parents, peinent à s’endormir seuls et redoutent la séparation.
Les autorités sanitaires françaises, de leur côté, ne posent pas d’interdit formel après la petite enfance, mais recommandent la vigilance. Un cododo trop régulier peut, à terme, favoriser des troubles psycho-affectifs, aussi bien pour l’enfant que pour les parents. Michel Cymes, médecin et figure médiatique, insiste sur le rôle du dialogue au sein du couple et sur l’observation attentive du comportement de l’enfant.
Pour résumer les recommandations clés des experts :
- Le sommeil de l’enfant doit s’inscrire dans un cadre rassurant, sans brouiller les repères entre les rôles de chacun.
- Prendre en compte la dynamique familiale, les besoins spécifiques de l’enfant et les ressources parentales aide à trouver la meilleure option.
En clair : le cododo à quatre ans n’a rien d’exceptionnel, mais il doit s’articuler autour d’un juste équilibre entre le besoin de réconfort et l’accompagnement vers plus d’autonomie.
Conseils pratiques pour accompagner sereinement le sommeil partagé
L’organisation du sommeil familial ne se résume jamais à une solution universelle. Partager son lit avec un enfant de quatre ans soulève des questions d’équilibre entre besoins affectifs de l’enfant, rythme du foyer et espace du couple. Psychologues et pédiatres s’accordent sur la nécessité de baliser le quotidien avec des repères clairs, tout en gardant une certaine souplesse.
- Mettez en place, avec votre enfant, des rituels d’endormissement qui signalent la séparation : une histoire, une veilleuse douce, un moment de calme. Ces gestes rassurent et facilitent l’entrée dans la nuit.
- Si possible, privilégiez un lit cododo ou un matelas d’appoint plutôt que le lit conjugal. Cela permet de préserver l’espace du couple tout en maintenant la proximité recherchée.
- Encouragez l’autonomie au fil du temps : lorsque l’enfant se sent prêt à regagner sa chambre, accompagnez-le avec bienveillance, sans précipitation, et valorisez chaque étape franchie.
La communication entre parents reste le pilier de cette organisation. Il est utile de s’accorder sur des limites, de les ajuster si besoin selon les réactions de l’enfant. Certains couples alternent les nuits partagées, d’autres fixent des règles sur les moments où l’enfant peut rejoindre leur lit.
Le mot d’ordre : adapter la solution à la réalité de votre famille, en tenant compte des besoins et des ressources de chacun. Écoute, cohérence et bienveillance sont les alliés pour traverser cette période sans sacrifier ni l’intimité du couple, ni la progression vers l’autonomie de l’enfant.
Finalement, chaque nuit partagée dessine une histoire singulière. À chacun d’en écrire les prochains chapitres, en veillant à ce que chaque membre de la famille trouve sa juste place sous les draps et dans le cœur du foyer.


